Chronique juridique > L’assurance collective de dommages : au service ou au détriment des consommateurs?
Par RCCAQ
Lors du dépôt de son budget en mars dernier, le Gouvernement du Québec a annoncé son intention de se pencher sur le dossier de l’assurance collective de dommages. Cette réflexion s’inscrit dans le contexte du projet-pilote autorisé par le Gouvernement du Québec touchant les services de transport par taxi, plus spécifiquement ceux d’Uber.
Le produit d’assurance collective de dommages étant peu connu, nous avons demandé à Me André Bois du cabinet d’avocats Tremblay Bois Mignault Lemay d’en discuter avec nous.
Comment définiriez-vous l’assurance collective de dommages?
La façon la plus simple de comprendre ce produit est de le comparer aux régimes collectifs d’assurance vie, santé et invalidité offerts par les entreprises à leurs employés. Dans ces cas, l’employeur conclut un contrat-cadre avec un assureur pour offrir à ses employés une couverture d’assurance de personnes. Les employés adhèrent ensuite à ce contrat d’assurance et sont couverts selon les termes négociés par l’employeur.
Est-ce que de tels produits sont offerts au Québec actuellement?
Le Code civil encadre les produits d’assurance collective de personnes. Mais aucunes dispositions ne sont prévues pour l’assurance collective de dommages. Par conséquent, il n’y a que des produits très spécifiques qui soient offerts, telles que les assurances automobiles offertes par les programmes de cartes de crédit pour les locations de voitures à court terme. Dans ces cas, la compagnie de cartes de crédit a conclu un contrat-cadre avec un assureur pour offrir une couverture d’assurance automobile à ses détenteurs de cartes de crédit.
Comment fonctionnent ces produits?
Si je reprends l’exemple de l’assurance collective de personnes offerte par certains employeurs, l’assureur propose une couverture d’assurance globale aux employés de la compagnie, sur la base du profil de risque moyen des assurés potentiels. Autrement dit, il détermine que le profil type des employés de cette compagnie représente un tel niveau de risque et établit sa prime en fonction de ce risque moyen par individu.
Le produit d’assurance collective de dommages fonctionne sur le même principe et est aussi conçu sur l’établissement d’un profil de risque moyen pour les assurés couverts par la police.
Comment se ferait la distribution de ces produits?
Si le Code civil le permettait, les concessionnaires automobiles ou encore les institutions financières pourraient offrir à leurs clients un tel produit. Une banque pourrait par exemple conclure un contrat-cadre avec un assureur pour ensuite offrir à tous ses clients ayant contracté une hypothèque de souscrire une assurance habitation distribuée par la banque.
L’assurance collective a comme caractéristique principale d’offrir les mêmes protections et les mêmes couvertures à tous les assurés. Peu importe que certaines résidences soient localisées en zone à risque ou non, qu’elles soient équipées d’un poêle à bois ou non, qu’elles aient une borne fontaine à proximité ou non, etc., les assurés se verraient offrir les mêmes caractéristiques de couverture.
De plus, en tant que distributeur de produits n’ayant pas à son emploi des spécialistes de l’assurance, la banque pourrait décider de limiter l’étendue de la cueillette d’information sur l’habitation à assurer. Et bien entendu, leurs conseillers ne seraient pas nécessairement en mesure de prévenir leurs clients de possibles exceptions à la couverture d’assurance.
Par conséquent, il pourrait fréquemment arriver que la propriété assurée ait une particularité la rendant non admissible à la couverture d’assurance, ou encore que le type d’incident survenu ne soit pas couvert, sans que la cueillette d’information initiale n’ait permis de relever cette particularité.
Autre risque possible, lors de son adhésion à l’assurance collective de dommages offerte par sa banque, l’assuré pourrait ne pas prendre le temps de lire le contrat d’assurance et ne pas être informé d’une restriction s’appliquant à sa situation. Croyant être bien couvert, il ne contractera pas d’assurance complémentaire et se retrouvera sans couverture en cas d’incident.
Est-ce une nouvelle menace pour les courtiers en assurance de dommages, selon vous?
Cela pourrait en effet mener à l’entrée de nouveaux distributeurs de produits d’assurance de dommages sur le marché. C’est définitivement un sujet à suivre de près.
Je suis particulièrement inquiet pour les premiers acheteurs de maisons ou de voitures qui n’ont peut-être pas encore de relation avec un courtier. Ces derniers pourraient être plus susceptibles de se retrouver avec un produit ne convenant pas à leurs besoins et qui les laisserait sans couverture adéquate en cas d’incident. C’est cela qui doit surtout nous préoccuper.
Toute l'attention du RCCAQ Le RCCAQ suivra ce dossier de très près. Ne sachant pas quels ajouts seront apportés au Code civil, nous voulons nous assurer que le libellé ne soit pas trop large et n’ouvre la porte à d’autres applications que celle du transport par taxi. |